FERVOR DE BUENOS AIRES

Quel souvenir…

Ce nom (emprunté à un bouquin de Jorge Luis Borges) semble prédestiné tant les voyageurs de retour de Buenos Aires nous attestent la montée en puissance et la cohérence de cet orchestre aux  » âmes bien nées » pour qui, chacun sait, « la valeur n’attend point le nombre des années ».

Un CD intitulé « Quién Sos » a été enregistré.

La rythmique est constante et solide sans être nécessairement systématiquement en avant, un peu plus que dans les enregistrements de Di Sarli (grosse influence du groupe) dans les années 50, tout en gardant un aspect mélodique fort (les violons) combiné à une attaque subtile et puissante.

« Quién sos » est probablement une des meilleures bonnes nouvelles de l’année 2007.

Sur les 13 titres, 4 tangos sont composés par Javier Arias, le très jeune (19 ans) pianiste de l’orchestre, des tangos d’une maîtrise stylistique et d’une maturité remarquable.

Le chanteur Diego Martino est un des meilleurs de la scène actuelle. Beaucoup de présence, peu d’effets de voix à la mode qui voilent un peu le chant et les paroles comme trop souvent aujourd’hui.

A Buenos Aires, Fervor a ouvert une milonga dans le quartier de La Boca dans le cadre du Teatro Verdi, un théâtre antérieurement dévolu au bel canto avec deux étages de balcon ondulés verts dont la décoration très fraîche donne un cachet et un supplément d’âme particuliers aux soirées.

Petite anecdote : l’adresse n’est recommandée par aucun taxi, mais le lieu est situé sur une grande avenue et ceux qui y sont allés ne se sont pas sentis en insécurité.

L’accueil y est « extraordinaire » et on est frappés par la dimension sociale de l’affaire : à 8 pe­sos la soirée (le cours d’El Indio de 20h à 21h, les 2 orchestres et le bal), l’entrée est abordable aux plus jeunes et aux peu fortunés, de même que les consommations. Bref une politique tarifaire ouverte au plus grand nombre, la clientèle locale et les jeunes.

Un public très jeune et ouvert fréquente donc le lieu. Public pas toujours très assuré dans sa danse, pas toujours dan­seur non plus, mais dont la motivation de base est souvent de venir écouter un orchestre de tango en buvant un verre. L’envie de danser vient après.

Mais il est intéressant de voir comment une jeunesse se réapproprie son héritage culturel. Ce serait en tout cas un des meilleurs lieux à « buena onda » de Buenos Aires.

Extrait de Tout Tango 2008

Eric Schmitt